La première de ces nobles vérités est la conscience que la vie est insatisfaisante pour différentes raisons.
On traduit souvent ‘dukkha’ par « la vie est souffrance ». Mais évidemment, il ne s’agit pas seulement d’une souffrance ordinaire. Il s’agit du fait que la vie est impermanente, et même si elle contient du bonheur, ce bonheur est éphémère.
Par conséquent, dans l’instant même où nous pouvons ressentir le plus grand bonheur, nous avons toujours une petite angoisse, une inquiétude que cela ne dure pas parce que c’est conditionné par un certain nombre de circonstances, de causes qui font que même si nous sommes heureux, nous savons que cela ne durera pas éternellement. Ceci est un petit peu comme le ver dans le fruit qui cause une souffrance et nous rend conscients du caractère insatisfaisant de l’existence.
Cette première noble vérité exige que nous comprenions la cause de cette souffrance. Il ne suffit pas de constater qu’il y a de la souffrance, du malheur, de l’insatisfaction. Il faut en comprendre la cause.
La cause fondamentale est évidemment l’impermanence, mais surtout notre propre réaction par rapport à l’impermanence, le fait que nous méconnaissons la réalité telle qu’elle est, que nous refusons de la reconnaître parce qu’elle nous déplait et que nous élaborons toutes sortes d’illusions pour ne pas la voir, pour nous éviter de nous confronter et de nous harmoniser avec elle.
Nous créons alors toutes sortes de désirs et d’attachements qui ne sont pas satisfaisants parce que même si nous les obtenons, ils ne répondent pas à notre véritable attente, à notre véritable désir fondamental qui est un désir d’éveil spirituel, de réalisation d’un bonheur stable.
Le Bouddha a beaucoup insisté sur les causes de la souffrance. Il a beaucoup évoqué ce qu’il appelait les trois poisons, c’est-à-dire l’ignorance qui déclenche l’avidité et la haine.
Et nous voyons dans le monde actuel à quel point ces trois poisons fondamentaux sont causes de troubles, aussi bien au niveau international que dans les petits groupes ou même au sein d’une famille ou dans un couple. Ce sont donc là les poisons qui sont la cause de la souffrance.
Pour le Bouddha, il y a une possibilité de résolution de cette souffrance. C’est la troisième noble vérité qu’il n’a jamais véritablement détaillée. Il a dit simplement qu’il y avait un état possible d’éveil, de libération, qu’il appelait le nirvana, l’extinction des causes de la souffrance, dont on peut faire une expérience temporaire dans cette vie-ci, lors de certains états particuliers de méditation.
La visée de l’enseignement de Bouddha est d’atteindre cet état d’extinction des causes de la souffrance, cet état de vie en harmonie avec la réalité telle qu’elle est, qui peut seule nous donner la paix de l’esprit et nous faire vivre véritablement d’une manière harmonieuse, heureuse, paisible.
Et ultimement, le nirvana signifie aussi de ne pas renaître dans un monde conditionné et limité par la naissance et la mort. Cette visée du nirvana comme extinction finale par rapport à ce monde de souffrance est au terme de la voie.
Dans le bouddhisme Mahayana, il a même été reporté dans un temps infiniment lointain parce que, par le v’u de compassion, les pratiquants du bouddhisme renoncent à atteindre rapidement ce nirvana, cette extinction et cette non-renaissance dans le monde de souffrance, car ils font le v’u d’aider tous les êtres qui souffrent et de renaître dans ce monde jusqu’à ce que tous les êtres aient pu réaliser l’éveil.
Ce faisant, ils réalisent le Nirvana en cette vie, qui n’est pas séparée du Samsara.
Ce qu’un bouddhiste entend par compréhension juste, c’est comprendre la vie, l’existence, de la même manière que l’a comprise le Bouddha, c’est-à-dire avec ses souffrances, avec ses causes de souffrance et avec la résolution possible de cette souffrance et comprendre aussi la méthode, la voie pour y parvenir. C’est cela que l’on entend par compréhension juste.
Il ne s’agit pas d’une compréhension scientifique, il ne s’agit pas de comprendre le monde, les lois de la sociologie, il s’agit de comprendre la voie spirituelle, de comprendre véritablement notre vie. D’ailleurs, nous pouvons dire qu’au fond, la compréhension juste, c’est se comprendre soi-même. Mais souvent les gens voient cette compréhension d’une manière un peu psychologique : se comprendre soi-même, c’est comme faire une psychanalyse ou une psychothérapie, éclairer ses ombres, comprendre son histoire, comprendre ses particularités.
Mais cette compréhension-là demeure relative et limitée. Quand nous parlons de compréhension juste, cela inclut la compréhension de nos illusions, mais également la compréhension de la voie qui permet de s’en libérer ainsi que de la vérité ultime de la vacuité.