"Si le peuple tibétain veut conserver le système du dalaï-lama, l'une des possibilités que j'ai envisagées est de sélectionner le prochain dalaï-lama de mon vivant", a déclaré Tendzin Gyamtso, XIVe dalaï-lama. Cette perspective, pour le moins surprenante, est clairement dirigée contre les agissements de la Chine : Pékin jouerait la montre pour pouvoir coopter son propre dalaï-lama, après la mort de l'actuel chef du gouvernement tibétain en exil, réfugié en Inde depuis 1959, aujourd'hui âgé de 72 ans.
L'actuel dalaï-lama veut anticiper les visées chinoises. "Si la Chine sélectionne mon successeur après ma mort, le peuple tibétain ne le soutiendra pas, car un coeur
tibétain ne battra pas en lui", a-t-il ajouté. Mais une désignation d'un successeur, éventuellement par le biais d'une élection "démocratique" au terme de laquelle serait élu un moine de
haut rang, comme l'a laissé entendre le dalaï-lama, trancherait avec l'historique processus de succession : les hauts responsables tibétains ont tous été choisis après que leur tulku - l'âme
réincarnée - a été décelée chez de très jeunes enfants. La tradition veut que l'on présente des objets de culte à un bambin. Quand l'enfant se précipite sur un objet ayant appartenu à son
"prédécesseur", la preuve est faite qu'il est bien la réincarnation d'un "bouddha vivant".
Le dalaï-lama a de bonnes raisons de se soucier des visées pékinoises sur le futur chef religieux du Tibet, où le bouddhisme reste sous contrôle et les moines sous surveillance : depuis le 1er
septembre, et pour la première fois depuis l'arrivée des troupes chinoises à Lhassa, en 1951, toute réincarnation annoncée par un monastère doit être approuvée par le département des affaires
religieuses.
Si le dalaï-lama envisage de bousculer la tradition, c'est parce qu'il veut éviter ce qui s'est passé lors de la désignation du panchen-lama, le
"numéro deux" de la hiérarchie tibétaine : en 1995, après la mort du 10e panchen, le gouvernement chinois et le dalaï-lama entrèrent en conflit. Ce dernier reconnut un jeune Tibétain et
Pékin désigna un autre enfant comme nouveau panchen. Depuis, l'élu du dalaï-lama a disparu et personne n'a jamais plus entendu parler de lui.
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Photo : Le 11e Panchen Lama, Gendhun Choekyi Nyima
Source de la photo : http://fr.wikipedia.org/wiki/Panchen-lama